MONTREAL Vol, 1 No 6 Le Nurnero1 ZO Sous SOMMAIRE -No. 6. Juin 1918 )l.!.RCEL .Ul,'liA,'i Paf!fasse sur l'hori2on. R LAROQC"E DE ROQUEBRUNE Pascal. EDOUARD CHAUVIN -Le ri!giona/lsme en poksie. FER:XA;-,.-D l'R.f:FONTAINE........ -L'archilecture il Montreal. ALBERT DREUX... . ..... J'ai ce dksir ... ( poeme ). L80-POL )LORIN -La diplomanie. lllLAJRE le jeune Ft'lm, ( la guerre ). PAUL BRONOT ...... Dialogue des Mies, La mare aux grenouilles. En-t$/es el culs-de-!ampe par A. HEBERT et J.-0, DROUI~. Le livre dont on parle est en vente a la LIBRAIRIE 0. DEOM 251 rue Ste. Catherine est MONTREAL • Depositaire de la revue d'art "LE NIGOG" Musique et broderie fran~aise RAOUL VENNAT 642 , TUe St Denis Nous fa isons toutes les broderies. Nous avons tout ce qui est joli en musique . 'rEL. 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La nature, fatiguee du froid, cede a la moiteur du degel; du sein de la vaste terre en rumeur bruit l'espoir des ,enfantements prochains. Un rideau de fils pluvieux oscille, imperceptiblement, sur le fronton des egJises et des maisons et laisse, par intervallles irreguliers, tomber une larme fugitive qui se perd dans !es gouffres. 178 La nature est toute diapree de rose. C'est une nuit elyseenne, humide sous !es couleurs, la majeste souffrante de ces grands bras nus des arbres qui semb1ent prier pour la douleur terrestre, Jes tragedies sol.a.ires de l'homme, en marche vers Jes resurrections. Des bouillonnements confus; une purification des debris de. l'univers glace; quelques vols inflechis d'oiseaux hatifs, g-agnes par la course aventureuse des airs et qui se jouent dans la fausse douceur d'un printemps revenu; des rires; une figure tourmentee; des hommes affaires d'argent ou de plaisir: la cohue s'elan~ant aux fetes de la nuit et qui disparait, refaitc sans cesse, par un autre £lot qui s'en va, pareil al'autre, emportant dans ses replis marionnettes et dieux. II y a dans !'air une ·indecision, de l'angoisse, un sourd parfum defermentation printanjere, l'elan encore ehauche des vies pleines. L''!space a )'air de souffrir comme s'il allait presider, impuissant, a des trepas fameux, a la chute dans le neant d'une jeunesse, d'une generation, d'un sol, d'une race. Les arles du Desir battent sur cette angoisse mult-ipliee et vaine, et le sombre Desespoir garde Ies portes de la viUe. Le firmament, eternel' de tous ses dieux, ses mirages et ses souveraines clartes, elargit ses coupoles d'infini ou erre, insaisi, le visage ferme du Mystere. Du bord de !'horizon berce de voiles roses, tout a coup surgit la tete de Paillasse. Les on.des spatia·les promenent en tout sens cette figure ravagee dont la pa'leur s'avive de deux yeux ecarlates, ruisselants de pleurs. PaiUasse vibre, s'elance, etreint la terre, Jes astres. II commande aux heures de Ia nuit; il s'identifie aux choses et aux etres. H n'a pas laisse le moindre coin du ciel a,Ja serenite nocturne, aIa vierge beaute des elements qui se refont, dans l'espace emu, une Constante jeunesse. La nuit est opprimee de sa tyrannie douloureuse et larmoyante. II la soumet a son empire; ii Jui octroie une maniere d'etre: et el!e souffre, la nwt, car clle a epouse son ame. Elle se plaint dans le murmure du vent, par le cri de l'oiseau, Jes mille petites voix assourdies, balb-utiantes d'aveux i:1exprimes. 179 Ici, une moiteur s'eleve et s'affaisse, si semblable a un evanouisse~ent d'ames; la, aussi loin qu'on peut !'imaginer. un concert pcrdu de clameurs mourantes qui blasphement le bonheur reve. Paillasse emplit ]'horizon; sa figure gagne, dehorde, s'immensifie, occupe l'espace total. Son front est un ocean de rides; une blessure pourpre, qui semble illimitee, lui sert de bouche ardente, amere. Ses cheveux, qui croissent, encadrent ce visage d'humanite reduite, revulsee-, et secouent , l'odeur fauve des pamoisons exaucees. Au bas, dans iJa plaine, sous le sarcasme de cette nuit d'opera rose, la tragedie des gens et des choses se mele et va se confondre. Des hommes puerils et derisoires s'agitent et s'enervent. IJs sont inattentifs au miracle des images et a cette appariition doulloureuse qui magnifie !'atmosphere. Le paysage varie et se precise; ii s'anime sourdement et ii semble comme chatie sous la chape de mysteres qw vet !'horizon de formes capricieuses, precaires qui, neanmoins, J'oppressent: un arc immense de petales roses ogive le_ fluide ether et, sous ce dais de 4umieres OU d'ombres fragxles, la terre, gisante, a moitie endormie, a peine gelee, se laisse tra vaiUer par :le silence et le manege subtil des fecondations. On pourrait ordonner ce paysage, le fa~onner pour quelque fete gigantesque, inouie, terminee par la mort des elements et des etres. La feerie eclate: c'est un enchantement ! O nuit rose epandue sur la ville! Si tu Jes connaissais, ces nuits sans pareilJes du printemp.s, des nuits d'opera, des nuits d'artifice ou toutes !es choses sc masquent, ont )'air de s'en al:ler, souriantes, enivrees vers je ne sais quelie fete eternelle. Mais, je me trompe. Tu es present a ce mirage d'une nature enorgueillie de sa beaute, et qui, spasmodique, se dresse dans un fourmillement musical. Roi taciturne qui, dans des mains blessees, porte un roseau d'epines. Ta robe, ce sont Jes innombrables soupirs assembles qui drapent ton corps exsangue d'un tissu elementaire. Tu es la! }'apen;ois ton image suspendue entre Jes branches depouillees qui dessinent leur appel clans le rose de la nuit, dans l'ar tifice niais de fa nuit printaniere. J'apen;ois ta figure aux Jevres sanglantes qui, encore, s'inquiete du destin des horn mes et de sa propre souffrance. Et dans cette nuit sans pa reille, je sens que ta bouche se detend, se desserre et pousse W1 cr,i de detresse dans cette nuit rose, trompcuse comme Jes autres. Phoebe te regarde en souriant; elle a l'air d'tme socur qui s'apitoie et si tu voufais te reconnaitre en montant j usqu'a elle, vos deux paleurs sorales se pourraient cons04er de leur parente fraternelle. Mais non! Tu dedaignes la pitie, tu te concentres dans une arnertume qui est toute la douleur, et dans cette nuit rose d'opera, si trompeuse, j'entends ton rire arner qui descend sur ces branches desesperees, ma,is toujours avides, mais toujours tetldues. Paillasse ! Paillasse! Paillasse! fi11usion est la reine du monde et des tenebres, qu'est-ce que ton rire, fut-ii plus vrai que tout, aupres de cette royaute qui rend la nuit propice a la joie, a la tendresse, al'amour? Mais je t'aime, o Paillasse, sur le temps qui, certains jours, seml>le s'eteindre; je t'aime, o Pailfasse qui rit a cause des passes morts, de ce qui ne sera que la tromperie hallucinee des sens et des symboles fuyants de l'jmpossible bonheur. Je celebre ton i,;onie qui a elu, pour ta vengeance, cette arme der.isoire et pauvre, la grimace! Paillasse, ris done toujours, dans la nuit d'opera rose ou les etres se masquent, ont l'air de s'en aller enivres et souriants, vers je _ne sais que11e fete odieuse et perissable. Le derruer spasme nocturne s'est abime dans la lumiere qui jaillit de !'occident. C'est le matin d'or ! Et moi, je suis reste, a mon balcon, muet, tremblant, Jes mains jointes, adorant !es symboles divins de fa nature feconde, apres avoir preside acette messe sanglante OU Paillasse, crucifie a la terre, pleurait sur le crime des mondes roules vers les gouffres. MARCEL DUGAS. Avril 1916. 181 PASCAL "Je cherche en g~missant". PASCAL. II est si haul clans ]'art que beaucoup ne 1e cherchent meme plus. C'est que sa grandeur est vraiment terrible et qu'elle se cache sous une etonnante simplicite de forme. Cet art depasse tellement la vaine eloquence du temps, celle de CorneiPle et celle de Bossuet, qu'il en parait trop sec et trop -nu. Art janscniste sans declamatoires apprets, art sans 1es graces desuetes de l'epoque de l'hotel de Rambouillet, sans !es surannes ornements de Fenelon, art ,immortel que ne marque pas une epoque, qui ne tient ni au temps, ni au siecle. Ii existe ainsi clans la litterature frarn;aise des genies sans ages, des ecrivains qui ne connaissent pas la vieillesse, ii existe Montaigne et Racine, le Racine de Phedre, qe Moliere du Tartufe et celui du Misantrophe, La Fontaine qui garde une jeunesse souriante, La Rochefoucauid, maitre de Frederic Nietzsche, et dont 1'.ironie est toujours vivante, le tendre et tragique Chen:er, Flaubert qui grandit a mesure que !'on tente de le comprendre et dont !'art est une conquete, Verlaine enfin pill$ passionne et plus vivant qu'a l'epoque OU des "gendelettres" le meprisaient pour ses moeurs. Blaise Pascal continue egalement d'avoir un art emouvant, et n'eut-il profere que des inepties, elles seraient admirables a cause de leur style. Mais il est lointain comme un sommet. L'aristocratie de sa pensee unie a la noblesse de son art le fait inaccessible a ia folllle qui au XVII ieme siecle lui prefera !'elegance. A quoi na foule de ce temps-d ne le prefere-t-elle pas? Car, tout catholicisme mis a part, Pascal reste d'interet humain. Ses doutes, ses terreurs, son option, sa passionnee recherche qe la verite en font l'homme le plus atroce qui se connaisse. Combien, pourtant, son epoque fut inferieure a ce que !'on en imagine! La cour de Louis XIV aveugle ce siecle qui s'est affuble du nom du plus ignorant et du plus factice des rois. On a beaucoup par:le de !'influence sur !'art de cette societe confite clans le fetichisme monarchique, et J'on n'a pas vu que cette influence a ete nulle sur Jes esprits superieurs. Pascal et La Rochefoucauld ont-ils done reduit tant que cela a Ver sailles leur orgueil et leur art? Pascal surtout a dedaigne de pietiner Ull parquet use par la foule et ne voufot guere fre quenter le palais que Bossuet ne dedaignait pas d'orner de sa rhetorique. Ce mepris superbe d'un Pascal pour son temps et pour ses contemporains rapetisse etonnamment tout cela. Cependant, la tour ou Pascal avait choisi de vivre n'etait pas tellement haute du sol qu'il n'y ait entendu les bruits du monde comme une mer qui deferlait sous lui ses vagues baveuses et ses croulantes tempetes. Le bruit des pas monta jusqu'a Jui et cela le trou)j]a dans sa meditation. Cet homme sublime n'est pas reste etranger a l'humain. La querelle janseniste Jui parut suffisamment belle pour qu'il y jetat le poids de son ironie. Mais, qui sait ce que Jes Provinciales ont empeche? Dans !es Pensees ii a ete le plus dechire des hommes; son coeur s'est revolte contre son intelligence. Les Pensees, c'est le combat de !'intelligence et de la sensibilite. Lutte de l'homme avec l'ange. La raison, Pascal, que vous aviez aimee, oue vous aviez decouverte a quatorze ans, vous l'avez tuee, vous l'avez detestee comme une faute, vous avez cru quelle est le pire peche ! Mais, qui imaginera ce dechirement, la scission de cet homme qui s'est