SOMMAIRE -No. 6. Mai 1918 P. P. LE COINTE ....... .............. L 'Esthetique de f'ingtnieur. RENE CHOPI~ .. ................ ... Le Pia/sir d' entendre !es grenowUes dans ) la campagne. ( Poi/me) HEl',"RI HEBERT.... ..............................Le sujet en art ( la sculpture). BERNARD K. S.ANDWELL---The Song To Be. MARCEL DUGAR... . ..... A propos de M. Rene Chopin. HENRI REBERT... ..................... Rodolphe Mathieu ( porlrait). LEO-POL MORIN -. ... M. R. Mathieu et le Terroir. R. LAROQUE DE ROQUEBRONE La Prime ( conte) PAUL BRUNOT . -.. .... . ...D/a{o!fll.e des bites, La mare aux grenoui/les. En-le/es et cu/s-de-lampe par A. HEBERT et J.-0. DROUIN. Le livre dont on parle est en vente a la LIBRAIRIE C. DEOM 251 rue Ste. Catherine est MONTREAL Depositaire de la revue d'art "LE NIGOG" Musique et hroderie fran~aise RAOUL VENNAT 642, rue St Denis Nous faisons toutes Jes broderies. Nous avons tout ce qui est joli en musique. TEL. EST 3000 LA PLUS IMPORTANTE UBRAIRIE et PAPETERIE FRAN(?AISE du CANADA Fondee en 1885 UVRES re!igfeux classiques franyais canadiens FOURNITURES tie classes lie bureaux de dessln ARTICLES refigieux et de fantaisie ?AP!ERS PEJNTS tapisseries GRANGER FRERES Limil~o PLACE D'ARMES ET NOTRE-DAME QUEST, MONTREAL • Livres de Classes Fournitures de Classes Articles Religieux Fleurs Artificielles • LIBRAIRIE L.•J,•A, DEROME, Limitte, 36-ouest, rue Notre-Dame, MONTREAL Maison fondee en 1842 Librairie Beauchemin Limitee Ll!3RAIRES• EDITEURS• PAPETIERS lmprimeurs et Relieurs 79, rue St•Jacques MONTREAL., CANAD-" Un Tonique d'une Valeur eprouvee Wilson·~ INVAUDS' POJt.a • II ma;ntient la foece physique et l'i,o,eer;-ie du c.,.-ps. et fou,nit ,me saine eigueur a tous les Oql;anes de l'economie l,umaine. GRANDE BOUTEILLE l'i de lions, e_t couronnees par un ornement quelconque, pomme de pin OU tete de chimere. Le resultat est deplorable. On se demande si l'on est en presence d'un outil ou d'un meuble. On rencontre des exemples semblable.s dans tous Jes musees industriels du monde entier. A l'heure actuelle, aquelques exceptions pres, (Jes locomotives anglaises, par exemple, bariolees de couleurs diver.,es et v'iolentes), on ne cherche plus la beaute, et, du meme coup, on y atteint. De la machine depouillee du superflu, se dressant simple, reduite aux organes essentiels, emane une cercertaine impression d'admiration, emotion esthetique. Pour condure, amon avis, si l'esthetique a des lois generates, elle est surtout la resultante d'une habitude et d'une education. Notre epoque est avide de logique, de proportion d'hannonie, elle impose oes conditions anotre ideal de beaute. Est-ce que ce fut le meme ideal que poursuivaient nos ancetres? Je la'isse anos theoriciens le soin de discuter oe point ex professo: il y a la un bien joli sujet de conference. "La constance de l'ideal esthetique atraV1ers les ages". Mais ne trouvez-vous pas que l'elevateuT No 2 du port de Montreal, bien que masse de ciment arme, bien que conc;u par un simple ingenieur, 16St apres tout oeuvre d'artisre? P. P. LE COINTE. ~ ~-.. .._,.,{i. / ✓ -1· 'I 145 LE PLAISIR D'ENTENDRE LES GRENOUILLES DANS LA CAMPAGNE. Sur la greve un brouillard flotte. L'eau clapote Et souleve les copeaux frais, Les baguettes du saule et les champs de quenouilles. J'ecoute au loin dans la campagne les grenouilles, Parm'i !es joncs, clans les marais. L'odeur premiere Du printemps I C'est celle des etangs; Vous en elles la clameur claire, 0 grenouilleres ! Moi, Toutles } e YOUS ecoute, Musiciennes en emo'i ! Venues On ne sait d'oit Et de partout, Freles comme des bourgeons verts, ,., Et Jes ainees D'autres annees Que gelerent de tents hivers. Celles qui peuplent Jes prairies, Et Jes ruisseaux et le limon des marigots, Celle qui crie Ou sonne !'on dirait d'un m'illier de grelots. 0 soirs rafraichissants de mai Si purs par elles ! 0 ces notes basses de chanterelles, Chutes al'eau de lourds ecus, Pendant qu'un trille gai, Un trille aigu, Perfore La N uit opaque, la N uit sonore! Je ne vois plu5 Jes iles ni Jes roches Ma'is, proches, Une barque de peche allume ses flambeaux. Tout est calme. Seule la fete Des rainettes atue-tete S'extasiant: "O feux, ofeux sous l'eau !" L'une plus vieille, La plus avare, Les yeux marrons, Larges et ronds : "O ces merveiiles, Sous mes saules, vues de ma mare, 0 feux, oJunes, O tout votre or sous l'eau profonde et sous l'eau brune !" Puis encore ttne: "Ma peau est verte, Teinture d'herbe; elle est couverte D'un vernis, mouchete de noir; elle est Peinte comme un jouet; Un fort sachet Qu'impregnent !es senteurs (mousses, fouger,es) Du bois natal, trempe de sources 011, legcres Fuites, glissent Ma ta'ille longue et fine et mes agiles cuisses." Toutes agorge pleine De se repondre et s'ejouir, Et de crier, ces petites paiennes, Leur plaisir : "C'est nous Jes prophetesses Du printemps, Les poetesses Des etangs." 1-47 A nous Jes brunes et Jes Junes, Coassonss, Les nenuphars, Jes martagons, qui sont nos fleurs, Coassons, Sous l'haleine des soirs nos liesses communes, Coassons., Et nos sabbats et leurs minuits ensorceleurs ! A nous la pluie, Ses v'ives gouttelettes, Humbles colliers des grenouillettes! Chantons ! La tribu des roseaux sous !'averse qui pliel Chantons ! A nous le marecage odorant et ferme l Chantons! Sur la greve un brou:illard flotte. L'eau clapote... Dans la campagne, au mois de mai, 0 le pJaisir de vous entendre, o clameurs claires Des grenouilleres ! Sault-au-Recollet. RENE CHOPIN. LE SUJET EN ART LA SCULPTURE. Volr "Le sujet en art" par Fernand Prefontaine dans le deuxi~me num~ro du NIGOG et "Le sujet dans l'oeuvre d'art; plaquette par le R. P. Valentin Breton. Les profanes veulent absolument trouver un sujet en art et sont satisfaits en lisant un titre sous une oeuvre, ils sont en outre beaucoup plus attires par le magasin que par le musee, par.ce que dans le magasin on £latte leurs manies et on leur vend des titres agr~ables donnes a des statuettes d'une pauvrete sans nom au poilllt de vue plastique. Le musee les attire moins parce qu'il faut la un travail de com pre~ension assez complique et qu'aucun commis obligeant ne donne la marche a suivre; ce qui fait que le magasin est achalande d'un public qui demande une idee et qui n'y com prend rien, OU i peu pres, et le musee est visite par des esthetes qui demandenit une forme et qui eliminent le mau vais art. L'idee est-elle indispensable? Le probleme a ete sou vent pose et resolu. L'idee n'est pas indispensable et, en tout cas, elle est secondaire. L'idee est une, et comme e11e appartient au domaine psychique, elle ne peut etre exprimee d'une fa<;on complete qu'en gardant son caractere spirituel et, comme moyen d'expression et pour garder son integrite, elle ne do'it etre traduite que par ce qui se rapproche le plus de !'esprit, c'est-a-dire le verbe. Si on vent la concretiser, on se trouve alors en face de difficultes materielles qui ne peuvent etre vaincues qu'avec certaines concessions et ces concessions sont des lois de composition qui sont elle-memes dependantes de la matiere. Certains arts exprimeront plus ou moins bien un sentiment, selon la texture de la matiere employee. L,a peinture, par exemple, peut peindre une atmosphere que la sculpture est dans l'imposs'ibilite presque com plete de rendre. Par consequent si l'idee obeit aces lois elle devient secondaire. Tout le monde, Ott a peu pres, peut av-0ir des idees, tout 149 le' monde aussi peut voir des formes, mais peu de gens peuvent !es traduire; ii ya done ici une faculte a respecter, c'est la faculte d'expression; or, ii appert que chez Jes artistes en art plastique, l'idee n'est que rarement generatrice e,t c'est la forme qui suggere une idee; et encore pour expr.imer cette idee de fac;on un peu claire, faudra-t-il, la plupart du temps, avoir recours au symbole qui, lui, est du plus pur conventionnel; et maladroit serait celui qui creerait un symbole et voudrait !'.imposer sans le secours d'une ecole qui est, en principe. la reunion de gens qui pensent ou voient de la meme fac;on. Si nous analysons quelques oeuvres connues, nous constatons que le titre ne repond pas toujours a !'oeuvre repret ' ' out cas, I'oeuvre ne represente pas d'une ~en ee, ou, qu en t ' faGon abso!ue l'idee que l'on veu,t exprimer. On ne voit du premier coup d'oeil qu'un beau mouvennent ensuite une forme, et l'idee ne v,ient qu'en dernier lieu, et, si nous la trouvons et qu'elle soit bien exprimee, c;a n'ajoutera en rien a !'emotion esthetique ressentie. Si nous ne croyons qu'a l'idee, consultons des catalogues et ne regardons que !es oeuvres qui repondent a notre curiosite. Des oeuvres classees et qui sont censees representer une idee, nous deroutent un peu, lorsque nous les analysons froidement. La "Victoire de Samothrace", par exemple, qui est une mervei11e de statuaire represente ma! l'idee de Victoire. En effet qu'est-ce qu'une v.ictoire? Un resul'tat. Et un resulta·t ? Un arret; or, cette statue est un mouvemcnt. Done. ace point de vue, la Venus de Milo ( a qui ii manque de la sensualite lubrique pour en faire la deesse de !'amour) rep11esenterait beaucoup mieux une victoire. Une v'ictoire toute de raison, de purete, de force physique. Mais si nous la pla<;ons sur une proue, la composition serait certainement moins htureuse, on continue a l'appeler la Venus, cependant que rien ne justifie ce titre. La V.ictoire est placee sur une proue, et, avec son elan eEe donne !'impression qu'elle va depasser l'etrave du ba teau, de plus son terrain se retrecrt quand au contraire le chemin de la victoire semblerait devoir s'elargir et etre surtout plus stable qu'un bateau sur l'eau. Cette figure rcpresentant ha Rcnommee seraiit plus comprehensible et on pourrait l'expliquer ainsi: La Renommee qui a assiste a la bataiile, s'est elancee, une fois la victoire assur6e, jus que sur la proue, et de la va quitter le navire qui devient trop lent pour elle et clamer Ila nouvelle au monde. On pourrait, avec un pen d'imaginaition ecrire des volumes sur la signification de cdte statue. Qu'il nous soit permis de faire une digression ,et de nous poser une question. Est-ce que l'artiste vraiment inspire n·est pas l'interprete de son inconscient, a son insu? Est-ce qu,e dans le regne vegetal chaque plante n'a pas une ,ignification propre? Tout est admissib~e et di~cutable. Notre cerveau cependant n'est pas encore arrive a la disst>ction de cet inconsc-ient ni a cette classification. et, pour !'artiste tous ces clements ne comptent que comme valeur decorative. Les statuaires grecs ont laisse des quantites de sta,~ues admirables que l'on· a baptisees d'apres Taccessoire qu'elles avaient dans Jes mains, 1Jes discoboles-et Ies strigilaires, par exemple. L'ouvrler de l'Antinoiis n'a voulu faire cl.ans son oeuvre que de la beaute pure er ii y a rcussi, ii n'a m:s dans cette statue que sa ·vision personnelle qui etait un reflet de !'ambiance clans laquelle ii vivait, ii a meme fait une oeuvre chaste. et son oeuvre nous satisfait entierement quoique le sujet soit ici mal exprime. Dias le Parthenon, Ictinos et Phidias ont surtou,t voulu creer une harmonie au point de vue architectural, au point de vue sculptural et au point de vue coloration. Dyonisos, autrefois le Thesee, et l'rtrissos qui sont chacun clans un resserrement des angles des frontons ouest et est. sont deux beaux ephebes l'un representant un of them that weep, Make rich the soil from which I spring. The souls of men are silent, listening. I am the Song of Canada. Yet keep Silence a little space And veil thy face, And thou shalt hear the heart of a Nation sing. BERNARD K . .SANDWELL. A PROPOS DE M. RENE CHOPIN. (Fragment) . . .. .. . . . . . . .. . . . . . ... .. . ... .. . . . . . . . .. .. ................ ~ De voir un poete a l'affut · du drame de son moi, avidc d'analyse psychologique, pourrait consoler des protestat'ions qui s'elevent, inspirees qu'elles sont par un chauvinisme condamnable. En ccrtains milieux, on reproche a M. Chopin de ne pas se commettre a des inspirations vieillies. Sur des troncs bien morts, quelqu'un le voudrait voir s'amuser a des decorations de verdure neuve. On Jui fait crime de desirer ctreindre la beaute universelle, de rechercher Jes grands themes g-eneraux, bref, de vouloir approcher son front du coeur de l'un'i\'ers. Grief pueril, mesquin, oiseux ! En verite, ii n'y a pas de theme essentiellement bete: tout depend de la manicre de le traiter. Mais le Saint-Laurent est detestable quand on y voit certaines gens reflechir leur visage satisfait dans l'l-clatant miroir. Ces gens-la vident Ie mot patr'ie de toute essence noble: ils l'ont tellement fait servir a leurs interets OU a leur stupidite latente que fa curiosite nous est venue de courir a d'autres mots, qui ne tussent pas l'apanage des faiseurs et des sots. ,Nous sommes fatigues de ces mots justes et aristidiens puisque ceux qui en usent cachent leur vanite sous le retentissement d'une rhetorique plate ,et surannee, du bruit sterile que produi:sent leur voix et leur coeur. Ces hommes ,~c vi vent pas; its vegetent hebetes, hagards, sans oiiginalite, st!r le terreau du passe qu'ils deshonorent en le rendant ennuyeux. Ce sont des morts vivants qui s'imaginent ecouter la grande voix des defunts et qui pressent sur leurs poitrines creuses une gerbe de vanites meprisables. Nous qui voulons vivre, nous demandons que !'imagination ait ses droits, le sentiment, de la grandeur, la vie, ses moyens d'expression varies et humains. Nous batissons notre citadetle sur Jes rives du temps: que le ciel la vienne car,esser! Nous avons des fenetres qui ne se font pas avares d'en recevoir !es rayons et une ame vibrante au vieux chant de la douleur humaine. Ce n'est pas assez, nous admettons toutes !es manieres a con 155 dition q11'elles ne demew·ent plus un repaire de vieilleries. Jamais nous n'en resrerons a Racine et nous ne cra:ignons pas d'affirmer qu'un Verlaine est auss1 necessaire a la litterature fram;aise que !'auteur mes (1917). Choeurs:-Poeme de la Mer (1908), Deux choeurs a voix mix tes (1914). Pour violoncelle et piano:-Lied. RODOLPHE MATHIEU II prepare, en outre, un livre d'essai dont l'objet est: "La conscience humaine", La consdence infinie", "La naissance du genre humain sur la terre", et un autre d'aphorismes sur la phi DESSIN D'IIENRI HEBERT losophie, la musique, la morale. quelque texte photograph'igue qui etiquetterait ses harmonies et dec'1derait de leur signification. Ce serait une sorte de realisme musical, et le realisme musical, complet, ~a ne peut pas exister. La musigue se refuse a une reproduction materielle aussi rigourcuse. Et voudrait-elle s'y plier que le resultat serait encore bien cloigne de la verite. Des qu'une idee, qu'une verite a penetrc dans le cerveau, dans l'ame de !'artiste, elle subit une transformation, et !'imagination qui en suggere la traduction produit souvent cette verite sous un aspect tout d'ifferent de son aspect initial. L'imagination ordonne de merveilleux arrangements du reel et elle en a tous Jes droits. Le reel n'est plus alors cette chose que pen;oivent de multiples indiv'idus ( et, deja, qu'elle multiplicite de vision clans ces individus), mais il devient une vcrite personnalisee, telle que la sent et l'interprete le compositeur. Le composireur, s'il veut recreer la nature ne fait que de !'interpretation. II s'exprime soi, devant la nature. (Le phonographe seul me semble enregistrer selon les donnees exactes du realisme musical. FaisolllS-lui enregistrer Jes faits, Jes gestes et Jes bru~ts du terroir, •Ce sera le meilleur, le seul realisme musical possible; te ne sera pas de l'art). Mais ii ne faut pas donner tant d'importance au pretexte a!'oeuvre, au sujet, et cons~derer le but, le resultat. Tous les sujets, tous !es moyens sont bons. On pourra toujours creer de !'art veritable en s'inspirant de quoi que ce soit. Et encore faudrait-il savoir dans quelle mesure le compositeur puise son inspiration dans le sujet impose plutot qqe dans soi-meme. Devant tout, ii reste a soi-meme son centre d'inspiration et c'est soi-meme qu'il cherche a t ravers toute chose. Les sujets, Jes pretextes, !es causes demeurent des necessites, mais des necessites partielles, qui ne sont pas !'element essentiel de !'oeuvre et qui sont en dehors de !'art. On sait que ce qui importe avant tout dans la musique des grands maitres, ce n'est pas le sujet, mais la maniere de le traiter; c'est le style, l'essence intime de leur musique, !'expression de l'etre en autant qu'elle se peut. M. Mathieu est un musiciens et ses preoccupations ne soot qu'artistiqttes, musicales. II est encore tres incertain, mais ii cherche a s'exprimer soi, aver la multitude de ses vibrations inter'ieures et exterieures. Son objectif, c'est la musique. II 161 n'est pas impossible, cependant, que M. Mathieu ait une tendance a donner a sa musique une signification philosophique ou metaphysique. Mais, pour Jui trouver ce semblant de significations etrangeres a la musique, ii faut etre prevenu et ii faut determiner d'avance la signification de ses mouvements harmod1co-melodiques. II a deja fallu ace genre de musique a these, dans le passe, toute une litterature explicative. Cette amplification de la musique a, du reste, trouve sa fin. Les maitres contemporains ont senti cette deviation et ont redonnc a la musique une signification plus musicale et qui est sans limite. Fixer la musique dans des significations morales, metaphysiques, sociales, religieuses ou philosophiques, c'est urlliser un art en dehors de son domaine et )'immobiliser, quand ii Jui faut, avant tout, la plus entiere liberte de vie. Je veux penser que M. Mathieu ne tentera pas ce qui n'a ete possible qu'a un immense genie, et qu'il donnera a son imagination toutes !es libertes de decouvrir de nouvelles formes et de nouvelles expressions dans le futur 'inconnu. II est aussi possible qu'impossible que !'art de M. Mathieu sort un art canadien. II a encore trop peu exprime, pour que s'avere dans ses oeuvres une atmosphere organisee et completement signi ficafive de son etre. Mais sa langue et sa forme interessent, elles sont de l'epoque presente. Et rien n'empechera qu'il trouve en lui-meme des moyens qui soient Jes sien:s en propre et qui Jui permettent toutes !es exprssions. Si je recherche des parentes musicales a M. Mathieu, des par;entes d'editure, je suis oblige d'aller en Russie, en Autriche et en France. II est toujours possible de determiner des ressemblances entre les divers truchements des artistes et ces rencontres n'ont, du reste, aucune importance. Mais certaines correspondances d'ecriture sont interessantes et significatives quand on sait qu'au moment ou ii ecriva'it ses preludes pour piano, M. Mathieu connaissait imparfaitement Scriabine, pas du tout Schoenberg ni Ravel. Voila b'ien des dispositions a a occas'ionner au Canada un art canadien ! . .. A quoi cela t'iendrait-il un art canadien? A quoi cela tient-il un art frarn;ais ou russe? Chacune de c«s forme,; de !'art exprime l'ame, ou un_e partie de l'ame d'un peuple, elle en exprime la race. Mais quelle diversite dans l'expres~ion ! Autant d'expressions differentes que d'ind'ividus. Ce qu'il Y a de franc;ais dans la musique franc;aise et de russe dans la musique russe, ce n'est pas seulement certaine tournure exterieure, superficielle, a base d'expressions populaires, mais bien plutot l'atmosphere generale des oeuvres dans leur ensemble et leur rythme de vie qui est celui meme des crcateurs, independamment de leur lieu de naissance. La musique ne doit pas necessairement exprimer une race plutot qu'une autre ou tel coin de pays. Elle veut exprimer l'horr,me et la nature a travers des individus, des sensibilites et des intelligences. Elle doit etre universelle et au-dessus des particularites reg'ionales qui ne sont qu'un accident du fonds humain. Sa langue etant comprise partout, son domaine est le monde entier. Il y a la musique franc;aise, la musique allemande, la musique russe qui se reconnaissent par des caracteres part'iculiers, mais ii y a aussi la musique universelle qui porte Jes caracteres essentiels de l'ame hwnaine. Ainsi, toutes ces appellations ne seraient qu'un choix qui etablisse les ressemblances, qu'une differenciation, qu'un groupement, qu'un procede a faciliter !es reconnaissances... Aux genies qui ont exprime la vie reelle, puissante, vibrante, de quelque maniere que ce soit, Jes classifica tions sont inutile-,. Ceux-la appartiennent a l'humanite sans etiquette. Si M. Mathieu ou tout autre musicien arrive a exprimer l'ame canad'ienne, ii le fera done a travers la sienne qui est une ame speciale. Il n'est pas impossible qu"il sorte du Canada une expression de vie. Mais je ne pourrais jamais etendre a une collectivite une expression d'art qui est toujours, avant tout, !'expression de soi, le don de soi. Ainsi done, clans la mus.ique de M. Mathieu, au lieu de vouloir y trouver une expression canadienne, voyons-y d'abord son ame complexe et cherchons de preference une expression musicale. Au lieu de considerer !'art musical comme une langue universelle ser vant a exprimer l'homme et la nature dans leur infinie ~obilite et diversite, on y voit trop souvent le moyen _d'expnme~ un fait materiel ou une "anecdote du ter:o.ir''.· Mais.. ~ux q~1 s'attardent clans cette vision sont des matenahstes qui 1mmob1lisent clans leur esprit un art qu'ils ne sentent pas. ~I.. Ma; thieu oppose, par ses oeuvres, ~ne naturelle contrad1ctton a ces tenants du regionalisme musical. LEO-POL MORIN. LA PRIME. Si l'homme avant de se la'isser couler songea a la vie qu'il allait perdre ce ne fut ni pour la maudire ni pour la regretter. Elle avait ete pour Jui penible et rassement horrible et gargouillant... Mais aux berges de l'ile Saint-Louis, au milieu du flenve, l'homme se laissa porter par le courant qui s'y divisait tumultueusement. II y chut et y trra le corps vaseux ct plcurant d'eau du noye. Alors, ii s'ebroua cornmc un caniche, saisit le corp~, le chargea ason dos et monta sur le quai. Presqu'en face NotreDame dressait ses tentacules noires sur la nuit claire et poi11tillee d'etoiles. Et confondu dans le noi.r des arbres du square, comme une abside lugubre et mortuaire, le batiment bas de la morgue tachait l'ombre claire de son aspect de grenouille tapie clans la vase de la berge. L'homme traversa le pont Saint-Louis. Dans son cou le noye pleurait l'eau du fleuve mortuaire. Sa peau frissonna. TI lu'i sembla sentir asa chair de lentes pieces d'argent, froides et roulantes. R. LaROQUE de ROQUEBRUNE. 16i DIALOGUES DES BETES Litterature. Pauline:-Je suis a1lee voir "Les Miserables" de Victor Hugo au cinema. C'est tres beau. Sagacee =:-Les auteurs antiques ne peuvent pas etre surpasses. Polyeuctete :-Mais Victor Hugo est a!'index. Sagacee :-II n'y a pGs d'index pour les femmes mariees. Messalinette:-Au cinema "Les Miserables" sont tres con~enables, ~ai~ le_ livre est, _parait-il, d't~n ~ulgaire ! ... Pauline:-Les ecnvams franc;a1s sont tous mdecents. Sagacee :-Ils n'ont aucun rnspect pour le foyer et la famille. Pauline:-Ils ne sont moraux qu',au theatre. Polyeuctete :-Pourtant, !es romans de Henri Bordeaux et de Rene Bazin sont tres convenables. Et oe sont les maitres de la litterature moderne. Messalinette :-Vous oubliez le delicieux et catholique Bourget. Sagacee :-II est, des fois, un peu risque. Messalinette :-Evidemment, ce n'est pas pour des jeunes filles. D'ailleurs, de nos jours, que faire lire anos filles? P auline :-Elles sont mieux de ne pas trop lire, la litterature ne peut pas former de bonnes femmes de menage. Sagacee:-Les gens serieux ne s,'occupent pas de litterature. C'est bon pour des g;ens legers comme Jes frarn;ais. Connaissez-vous des gens serieux qui fassent de la litteratuf'e? Nos hommes sont plus serieux que c;a, grace aij Ciel! Polyeuctete:-Le Canada est encore ,exempt de la race pernic'ieuse des ecrivains indecents, et nos maris ne sont pas entraines au vice par !es mauvaises lectures. M::ssalinette :-Et ils demeurent forts et puissant.is ... PAUL BRUNOT. JULES FOURNIER:-Le J ournaltsme canadien a eu dans ces derniers temps trois noms fortement interessants: Henri Bourassa, Olivar Asselin, Jules Fournier. M. Henri Bourassa est empetre depuis peu dans la censure, M. ~sselin est, comme l'a dit Marcel Dugas, "rue aux oeuvres de mort" et Jules Fournier qui n'ecriva'it plus depuis plus d'un an, vient de mounr. Jules Fournier fut un esprit moins projete vers un but que M. Henri Bourassa, et moins convaincu de discipline sociale que M. Ol'ivar Asselin. Ce fut plutot un journaliste de combat, un dilettante de l'attaque et un artiste en injures. II n'eut jamais le feu sacre d'un objectif puissant; l'ardeur a defendre le brula moins que le plaisir a demolir. Moins purement intellectuel qu' Asselin, 'ii etait plus homme de lettres, et n'.10ins etaye de fortes convictions que Bourassa, ii se savait etre mieux muni d'une forme. En somme, un fantaisiste du journalisme. La carriere de Jules Fournier fut mouvementee. II fut souvent un homme sensat'ionnel. Deteste, comme ii se devait, par un grand nombre, ii etait admire par quelques-uns qui aimaient en Jui le bel exernple d'un journaliste sur d'une maniere. Le joumalisme n'est que trop meprise par les mandarins de lettres; c'est une admirable matiere ou un genie 169 litteraire robuste, simple et clair peut s'epanouir dans !'action. Jules Fournier avait concilie une production hat'ive avec un style personnel et une certa'ine invention d'epithetes. Sa derniere activite fut son journal hebdomadaire "I'Action'' qu'il dirigeait en collaboration avec des amis un peu de hasard: Olivar Asselin, Edouard Montpetit, Pierre Voyer, Joseph Baril, A. Laurendeau, d'autres encore et toute une collaboration litteraire: Paul Morin, Marcel Dugas, R. LaRoque de Roquebrune, Rene Chop'm, etc., ce qui etait une innovation et qui demeure un precedent dans la formation d'un journal au Canada. R.R. R. LE SALON DU PRINTEMPS :-La trente-cinquieme exposition d'oeuvres d'art al'Art Gallery a ete une exposition tres convenable dans son ensemble; les oeuvres franchement mauvaises etaient rares et beaucoup d'artistes, surtout parmi les canadiens-frani;ais, ont montre qu'ils a.vaient trava'ille; leurs oeuvres indiquaient un progres tres sensible. En general, ce que je reproche aux peintres canadiens, c'est de toujours exposer une pochade agrandie. Les compositions sont rares; nos artistes manquent peutetre de hardiesse ... MAURICE CULLEN :est, sans contredit, notre meilleur .peintre; son tableau "Habitant farm" est une oeuvre de tout premier ordre. C'est traite largement, solidement compose. Ce pastel est superieur a toutes ses autres toiles exposees cette annee. "The Valley of the Saint Lawrence" est auss'i une toile interessante. M. SUZOR-COTE continue aprogresser. Son "VielL'<: Pommier" et "Matinee de septembre" soot tres bien; il serait a souhaiter que monsieur Cote continuat dans cette vo'ie. Le type du vieux canadien, qui a servi deja a beaucoup de peintres pour obtenir un succes facile, a ete traite par monsieur Cote avec vigueur et une solidite au-dessus de la moyenne. "Etude de type canadien" est une veritable oeuvre d'art. MONSIEUR CLARENCE GAGNON nous montre son habilete; ce n'est pas infer'ieur ace qu'il a fait dans le passe, ce n'est pas non plus superieur. "Sunday Morning \Vinter", malgre toute l'habilete de monsieur Gagnon, est un peu trop de !'illus tration; c'est tres agreable mais inferieur de beaucoup a "Twilight". MONSIEUR GEORGES DELFOSSE est en progres; son tableau "Lecture i;1terrompue" est de beaucoup superieur a tout ce qu'il a expose jusqu'a maintenant, l'effet de lumiere est tres b'ien observe et !es ombres ont une profondeur qui denote un bon metier; ce tableau donne une impression d'intimite tres douce. MONSIEUR LYMAN est un peintre troublant; ses deux portraits tres solidement dessines, tres justes de valeur, sont malheureusement peints d'une couleur que je ne comprends pas. Monsieur Lyman, qui est un artiste, a evidemment le droit d'employer le coloris qu'il veut, mais, tout de meme, le plaisir que j'ai a voir ses oeuvres est gate par cet emploi de tons desagreables. MADEMOISELLE RITA MOUNT expose deux toiles qui sont bien, surtout le No 257, "Gray Day". C'est peint avec une vigueur et un sentiment des valeurs bien rares chez les dames peintres. 11.'[ademoiselle Mount a fait beaucoup de progres depuis son exposition a Saint-Sulpice. MONSIEUR LAGACE expose une agreable petite aquarelle. MONSIEUR JOHNSTONE expose des petites etudes tres vigoureusement peintes, mais qui sont plutot des pochades que des oeuvres serieuses. MONSIEUR DE BELLE est un artiste tres interessant, tou tes ses toiles denotent un.e personnalite tres forte. "A Bleak Day" est un tableau plein de qualites. Parrni les rares oeuvres de sculpture "Le Fatum" de mon s'ieur HENRI HEBERT est ce qui me plait le plus. Cette figure implacable, rigide et mysterieuse .est tres impressionnante. C'est sculpte largement par un homme qui connait son metier a fond. C'est de l'art et du meilleur. ''Le Bain" de monsieur IVAN JOBIN est une petite composition decorative tres spirituellement sculptee. C'est frais, c'est plein de vie. Le monun1ent de monsieur SCIORTINO avec son d'Artagnan juche au sommet de quatre colonnes, ne repond pas beaucoup a l'idee que je me fais d'un monument a Dollard des Ormeaux. 171 Dans la section d'architecture, Jes rendus d'architecture de monsieur W. GAGNON me plaisent beaucoup. MONSIEUR D. RITCHIE expose un projet de maison pour Trois-Riv'iercs, tres serieusement etudie. MONSIEUR R. TRAQUAIR expose un projet de cotta~ daJ1s la Nouvelle-Ecosse. FERNAND PREFONTAINE. MONSIEUR LEO-POL MORIN, salle Ladies Ordinary, le 26avril 1918. Madame Jane Mortier, a qui le NIGOG avait demande ses impressions sur le concert de M. Leo-Pol Morin, nous envoie les notes suivantes: Voic'i les impressions que me suggere monsieur Leo-Pol. Morin, le seul musicien du Canada qui, peut-etre, cherche a comprcndre ce que signi fie une civilisation. Je pense que Leo-Pol Morin est appelc par toutes Jes fibres de son etre a sortir d'une atmospher,e irrespirable et dont ii s'est deja evade. Leo-Pol Morin qui sent toutes les trepidations interieurcs de son "moi" twnultueux, fremissant de vie, s'impose de chercher, scruter, mais pour detaler de !'avant. .. toujours de. !'avant. Je felicit-e le jeune homme qui, malgre !'incomprehension repandue et courantc, marche le visage !eve vers la lumiere, ,pour la verite qui Jui sourit. Intelligent, oui, certes, tres. Mais t'ient-il toujours compte de son instinct, de sa vraie nature? II doit pourtant y avoir clans son etre des appels plus colores. Dans son esprit, la matiere musicale doit etre plu:, grasse, plus onctueuse, epandue avec plus de reflets. Et je dis cela parce que son. dessin mus'ical est l,eau, qu'il a le gout strict d'e choisir ce qui est beau dans le sens contraire du vulgaire. Une f.emme n'est forcement pas une cerebrale pure. Un homme (par retour) ne peut-il pas laisser quelque place a )'instinct? Certaines ordonnances ne sont-elles deja pas de !'instinct? Quand la raison sort de son assiette, !'instinct 'intervient et bride souvent l'inconsciente exclue d'elle-meme par une discipline trop rigoureuse, trop exacte et trop implacable. Le j,eu de Leo-Pol Morin est clair, net, degage des con ce.;sions que sa combativite personnelle Jui interdit. Mais, Ia surtout ou 'ii est dans la bonne voie, c'est qu'il fait de la musi gue et non de l'instrwnent. Il suce avec ivresse la pure moelle musicale. L'armature generate de l'oeuvre de Franck a manque de robusresse. Les bases du "Choral" n'etaient pas assez etablies, et Jes voix assez en dehors. Excellente prolongation des pedales, mais aucun magnetisme mystique. "La puerta del vino" (Debussy) : L'enveloppement sonore a ete realise avec bonheur, l'element gaite trop neglige, OM 'ii ne faut pas oublier que l'Espagne, dont la misere est tragique, possede la musique la plus allegre de tous les pays. "La terrasse des aud'iences du clair de Lune" (Debussy), savamment interpretee. "Sonatine" (Ravel), oeuvre de jeunesse de l'auteur, petit joyau d'un orient tres pur, dont la volupte meridionale de Ravel explique le raffinement. Tres parfaitement comprise et real'1see par Leo-Pol Morin. "Baigneuses au soleil" (Severac), dont Jes jeux etincelants, Jes 1-ires frais, les corps ivoirins s'entrecroisent, se nouent, se denouent dans une poussiere diapree et lumineuse, char.rne de l'oreille qui dev'ient presque charme de l'oeil sous l'evocation sensible de Leo-Pol Morin. "Theme et Variat-ions" (Turina) que je n'aime pas beauceup a ete sauve par l'interprete ainsi que "Le Cimetiere" (Decau.x) dont 'il extoriorisa !es sonorites les plus simplement emues qu'il m'ait ete donne d'entendre. "El puerto" d'Albeniz", le grand picador de la musique espagnole, toujours chatoyant, mais qu'aucun "toro" n'aurait pu desar~onner. "Sona.tine" (Roussel), subtile et tenue, dont la trame coloree et changeante d'un metier battant neuf, si riche d'idees qu'elles s'entrecoupent et d'une facture si pittoresque. Je sui>s certaine que Roussel, dans un coin de salle, eut ete content. Et apres que Jes ondes se fussent eteintes, je crois avoir senti que le _public n'etait pas venu par snobisme pur, mais qu'il semblait avoir commun'ie. Et vous m'en voyez bien heureuse, car ce fut une soiree de vraie musique, jouee par un artiste sincere, fervent, mieux que bien doue, qui ira tres loin. II nous donna du bon art, sans trues, avec un dedain tres absolu des ficelles, qu'helas ! ne connaissent pas toujours nos vietL'< chevaux de turf du clav:er. JANE MORTIER. 173 MUSIQUE D'ORGUE :-Le dimanche soir 28 avril, M. Ernest Langlois, a fait entendre dans l'eglise Saint-Enfant Jesus quelques pieces pour orgue, de compositeurs canadiens. Sur la maniere dont M. Langldis ne joue pas de l'orgue, je n'ai rien a dire. II a desservi beaucoup de compositeurs ce soir-la; ma.is je veux m'interesser aux oeuvres. De M. Georges-Emile Tanguay, un jeune musioien inte-ressant, une "Priere", qui est une expression musicale. Son ecriture est simple. A cote des influences indeniables qu'on y decouvre, on sent un etat romantique nature! qu'il sait arran· ger selon ses gouts et ses moyens. M. Alexis Contant s'est attarde a eorire un "Pange Lingua" qui s'expose longtemps et qui cont'inue !>ans tr-ouver d'issue musicale. M. Poirier m'interesse avec son "Basso Ostinato", ou 11 y a des pages d'une agreable ecriture. Mais il se ,souvient de Franck et de quelques autres auteurs, et c'est incomplet et un peu long. L'oeuvre de M. R. 0. Pelletier montre une aisance aimproviser; clle est d'une autre epoque, ma'is elle est musicale. La chorale" dirigee par M. Verschelden fit ensuite entendr,e des choeurs, dont un de M. Achille Fortier ou les voix sont bien traitees et ou il y a une aisance d'expression qui fait de son auteur un veritable musicien. Ma1s on aurait pu se croire ailleurs en entendant un fragment d'opel'ette sentimentale de M. Lavallee-Smith. Le "Tantwn Ergo" de Gmllaume Couture est savamment ecrit en canon, mais il est laborieux et genant aecouter. Guillaume Couture a laisse tant de pieces infiniment superieures a oe "Tantum Ergo"! M. Fred. Pe1letier, clans un choeur, fait vo'ir des habitudes a harmoniser qu'il faut respecter, quand on ne Jes aimerait pas. Toutes ces oeuvres ne me semblent pas avoir un caractere qui soit specialement et uniquement religieux, et le caractere de l'orgue y est quelquefois absent. Et, comme tout cela est eloigne et peu s1gnificati£ ! On peut confondre toutes ces oeuvres, meler les titres et les signatures, et aucune personnalite n'en sera affectee, si j'excepte Couture, M. Fortier ct M. Tanguay. C'est ce qu'on voudrait aRpeler, sans doute, un art canadien... C'est a peine la menace d'un mouvement. M .Langlois a fichu tout le monde a la porte avec une sortie qui devait ctre de Jui, mais qui etait de Saint-Saens Guilm:ant. L.-P. M. CORRESPONDANCE.-Montreal, 15 avril 1918. A M. Fernand Prefontaine, directeur du NIGOG. Nous sommes, Monsieur, a la veille de tomber d'accord, depuis qu'est montee de la Mare aux grenouilles votre explication, ou plutot votre d'istinction, votre subtile distinction. "M. Lorr-a.in, dites--vous, ne semble pas avoir compris que, lorsque j'ai parle de !'art oratoire, j'ai toujours considere cet -art en soi et non pas la litterature OU Jes idees dont ii peut etre 1e vehicule." Ma'is oui, Monsieur, je vous ai compris; c'est meme pour oela que je me permets de vous contredfre. Au fa.it, si nous sommes point du meme avis, c'est que nous ne parlons pas de la meme chose; VOUS pensez a un comedien et je songe a un conferencier, vous faites allusion a un tenor quand j'imagine une penseur. Si je ne craignais d'etre taxe de pedant'isme je pourrais bien, tout comme un autre a qui Larousse n'est pas etranger, observer que cette querelle est renouvrelee de Ciceron et d'Antoine; mais com.me dans cette audacieuse anaJogie c'est moi qui tiendrais le role de Ciceron, je craindrais decicrernent d'etre taxe de pedantisme. Je profiterai plutot de }'absence de notre ami Edouard Montpetit pour faire servir son cas aux fins d'une petite demonstration. Edouard Montpetit, c'est, je crois, inconteste, est maitre t oratoire, non pa.s a la sculpture, a la mus'ique OU a !'architecture, mais au metier du couleur, du chanteur ou du dessinateur; ignorant la concep 175 tion, vous ne tenez compile que de !'execution; puis, ayant ainsi rapetisse !'art oratoire, vous decretez son inferiorite, c'est vraiment trop facile. Je note enfin, Monsieur, que votre opinion en cette matiere "n'est pas forcement !'opinion de tous Jes colla.borateurs du NIGOG"; et j'~n felicite !es dissidents, sans prejudice de la parfaite consideration avec laquelle je me souscris votre tres humble servi!Jeur. LEON LORRAIN. LE "NIGOG" EN FRANCE :-Le "NIGOG" a sans doute fait quelque hru'it au Canada mais ii fait sa petite sensation jusqu'en France ou ii est accueilli avec sympathie et curiosite. Le grand poete Paul Fort a adresse au "NIGOG" ~on plus recent volume de poemes orne d'une magnifique dedicace, et cet autre grand poete qu'est Guillaume Apollinaire a ecr'it une aimable C. P. a un des directeurs. Les revues et Jes journaux & France ont aussi not.e la parution du "NIGOG" en termes estimabJ,es: "Le Mercu11e de France" entre autres, lui a consacre un paragraphe. Tout cela ne laisse pas de faire un certain plaisir a ceux qui ont fonde "LE NIGOG" ,envers 1.!t1.elques-uns et pour certain-es choses. "LE NIGOG" a meme ,le grand honneur d'etre ma! compris et presque plagie en France. En efiiet, la revue "L'Europe Nouvelle" dans son numero du 13 avril 1918, annonce que "madame Jane Mort.lier ayant fait entendre a Montreal la Sonate de Dukas... quelques jeunes canadiens ont proi1tte de ce mouvement pour fonder une petite revue litteraire, artistique, musicale, satirique, intitulee "LE NIGOG". La meme revue ajoute que "les parisiens d'avant-garde qu'i, depuis la guerre ont ete au Canada, ont depose dans Jes esprits des canadiens-fran<;ais une grande curiosite et un grand amour pour la France moderne" ... "LE NIGOG" etait fonde depuis cinq mois, et deux nu~ meros deja pants quand madame Jane Mortier a fa'it son premier concert a Montreal. "LE NIGOG" a accueilli la grande pianiste avec d'autant plus d'enthousiasme qu'elle venait confirmer la precellcnce d'une certaine musique moderne pour laquelle ·le pianiste Leo-Pol Morin combat et se devoue au Canada depu'is quelques annees. Dans aucun domaine Jes canadiens-fran<;ais n'ont attendu la venue des "Parisiens d'avant-garde" pour etre curieux de la France et pour !'aim.er. La meme revue, en outre, pille "LE NIGOG": de !'article de Leo-Pol Morin sur la jeune musique anglaise, elle extrait la moitie de l'esseniiel, et d'une note sur Maurice Barres et "The Atlanctic Monthly" signee R. R. R., elle prencl le meilleur sans nommer ni les auteurs ni "LE NIGOG". NIGOG. LA PURETE ABSOLUE DES CIGARETTES SWEET CAPDRAL EST LA RAISON DE LEUR ENVIABLE SUCCES. Fumez-les des au jourd'hui, el/es sont: " La forme la plus pure sous laquelle le tabac peut ttre fume. " ORAFONOLAS ET DISQUES COLUMBIA Le plus grand assortiment a Montreal de Grafonolas, prix variant de $24 a $300. AU DELA DE 10,000 DISQUES Chansons fran<;aises, musique instrumentale etc. etc. CANADIAN GRAPHOPHONE CO. DISTRIBUTEURS DU COLUMBIA 204 rue Sainte-Catherine est. David & Michaud FACTEURS DE PIANOS "Le piano DAVID & MICHAUD est certainement un des meilleurs pianos fa. briques au Canada. Sa sonorite puissante, d'une remarquable qualite le place au premier plan." Ateliers: 518, rue Rachel est, MONTRBAL TEL. 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Ludlow, Ramsay Traquair, Edmond Dyonnet, Jean-Charles Drouin, Aristide Beaugrand-Champagne, John Roxburgh Smith, Louis Bourgoin, Bernard K. Sandwell, Paul Lecointe, Alfred Beaupre, Rock B. Macaree, Emile Vezina, Germaine Greterin, Albert Dreux. Chaque~ollaborateur est seul responsable de ses ar_ti~l~s. Conditions d'abonnement ......Canada: $2.25 pour un an. Prix du numero ........................20 sous. Tout ce qui concerne !'administration et la redaction doit etre adresse aux bureaux du NIGOG: 182 (est), rue Sainte-Catherine, a Montreal. CAPITAL: $10,000 ,.PHONE EST 2882 Pour vos yeux allez au ~alnu h'®µtiqur QJ:auahiru LIMITEE OPTICIENS ET OPTOMETRISTES 290, RUE SAINTE-CATHERINE EST, pres de la rue Saiot•Deois EDIFICE DANDURAND EXAMEN DE LA VUE LUNETTES, LORGNONS, PAR DES LICENCIES VERRES, ETC, IMPRIMERJE L, AD. MORISSETTE AN