!tJONTREAL Vol, 1 No 4 Le Numero1 ZO Sou11 SOMMAIRE Musique et broderie fran~aise - No. 4. Avril 1918 ,LEAN-CHA.RLF...S DROUJN Le dessin dans /es kales primaires de province de Qutbec. fa RAOUL VENNAT 6421 rue St Deni8 PAUL MORlN... •------------Scdabine. ROBERT MORTIER. .,... cfiza11ne. FERNAND PREFONTAINE ............-L'art m "LeNigog''.. R, LAROQUE DE ROQUEBRUNE Vent sur /a roure. ( Prose~ur lks dessins de J-C. DROrT N ) Nous les faisons toutes broderies. OLIVIER J\l1\ URAUJ.,'f LEO-POL l\IORIN . PAUl , BRUNOT L"ambiance. Le public des concerts. . Dialol{Ue des be/es, Nous avons joli en tout ce qui' est musique. En-tJtes et cu!s-de-lampe par "La mare aux grenom1les. A. TI1!,73ERT et J.-0. DROUJ~. T EL , EST 3065 L!VRES LA PLUS IMPORTANT E LIBRAIAIE ~t PAPETERI E FRAN9AISE 'du CANADA Fo ndtt ~n 1885 Le livre dont on parle est en vente a la LIBRAIRIE C. DEOM 251 rue Ste. Catherine est MONTREAL re!ig,ieux cfassiques fran~ais canadiens FOURN!TURES \ de classes de bureaux de dessin ARTICLES rehi ieux et de f antaisie PAP!ERS PE!NTS tapisseries GRANGER FRERfS Limi,ee Depositaire de la revue d'art "LE NIGOG" Pl.ACE D'ARMES ET NOTREDAMEOUF.ST , MONTREAL Livres de Classes Fournitures de Classes Articles Religieux Fleurs Artificielles LIBRAIRIE L.•J.·A. DEROME, Limit~e, 36-ouest, rue Notre-Dame, MONTREAL Maison fo'ndee en 1842 Librairie Beauchemin · Limitee LIBRAIRESEDITEURSPAPETIERS lmprimeurs et ·Relieurs 791 rue St·Jacques MONTREAL, • CANADA Un Tonique d'une \'a(eur tprouvt e II mnlntlent Ja force phy11que et l'ener,1:ie du corpa. ct four-nit une ~\lne v,cueur-a tou1 les orcanea do l'econom1ft humame.. GRANDE BOUTEILLE PUIX S: 12 00 LA CAl!>SI $1 l5 I.A IIOl Tl'ILlE LAWRENCE A. 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P"AOcu,u Vft 180 , RUE ST •JACQUES CMAM■ III I 411 Eo1ricc " 0.tiNQUl' D'EPA,JIICN I'.. TC L. BlLL MAIN 4171 CAMILLE COUTURE I 'l?Ol"E$SI L I< Ill: \"IOI O!'< L ~ 1 Ju con~nuot,..dr I.~ r (llel&JQ A11<.i.n l!e,rdu clld>rr OvlJf' ~\usu, Proft-, scur au ('ofit•.1:-e ~,e Abril!, ,\f>r Z 257, IHI:-JIA:'i'-1 MM,C I IEI.• I 1;,';;! \IOSTUI 1\1. Tel• .,, I ouls tzru I I t,t.., rn I~ :Sult ' J2J') OEO VANOELA~J~ ALEX. oou~ GEOHGE ,. ASDUI. AC OIRECTEUR OE FUNERAILLES \ oltur" double,, Po • ;o, RA< HEL f <,T t'IDplcm1.-,. t"t mjrlaa-es Cciln C-..aJlt" ~Am!:,ul.'lnoite, etc ...) puis d'objets plus difficiles, voir me me des projets geometraux imagines. La couleur, je n 'insisterai pas sur son impor tance et ses fonctions: elle aide apreciser les for mes et ne doit pas etre mise aux depens du des sin. C'est un stimulant au travail pour l 'fleve, et un plaisil', le moment ou on lui permettra de prendre ses pastels pour parachever son oeuvre. Evidemment, quelques uns auront des debauches de couleurs criardes, cependant que d 'autres se ront ternes et gris. Du doigte, quelques rema1· ques regardant les tonalites, nuances, les comple mentaires, etc... et le tout finira par s'ameliorer; s'entend pas du coup, mais imperceptiblement, a la longue. En dessin comme en couleur il ne faut pas mater l'eleve, lui oter toute initiative; ce serait une grave erreur, mais le guider, le pousser vers la bonne voie sans qu 'il sente t.rop la main du maitre. N'implantons jamais notre maniere de faire. notre personnalite, qu'on voit toujours au contraire que tout l 'eleve est la dans ses dessins. Bref, succinctement, je dirai done qne la "methode d'aujourd'hui" doit developper 1es originalites, apprendre areflechir, former le gout, agrandir la perception visuelle et apporter al'enfant du discernement d:.ms le choi:x des choses en nd·nt<~ t£::mps repand dans ]e peuple. Dans un pays comme.'lr notre ou l'on n'a pas encore admis completement l'utilite de l'art, une telle elite n 'existe pas encore et nos artistes ont affaire directement au grand public. Ce public, qui a bien d'autres soucis, ne veut pas serieusement s'interesser al 'art, qu'il ne comprend pas et, qu'au fond, il meprise. Pour comprendre l 'art, il faut faire un effort, il faut etudier, car I'instinct de I'art est une chose bien rare; et le besoin de cet effort n 'apparait pas bien manifeste. Dcvant cette apathie du public, les artistes se revoltent, crient, essaient de se faire comprendre, n;1.ais ils finissent tous par abandonner la partie; quelques uns continuent atravailler, d'autres, decourages ,en arrivent a douter d 'eux-memes, de I'art, et abandonnent tout travail. A qui la faute, Est-ce au public qui ne veut pas faire un effortserieux pourcomprendre, Est-ce aux artistes qui ne savent pas se faire entendre, Il est difficile de juger. Mais il est evident que tant que la necessite de l'art n'aura pas ete admise, l'art continuera a vivre en dchors de tout contact avec la vie nationale. Et c'est bien malheureux, car, comme l'a ec1·it ici monsieur Montpetit: "L'art est un ele" ment national, une nccessite tres haute." LE NIGOG, des avant que le premier numero soit paru, etait deja tenu en suspicion; une revue d'art! c'etait tout de suite quelque chose d'inquietant. Et quand ce malheureux premier numero a paruI ce que nous avons pri-,! Peu de personnes ont vu I'effort que nous avions fait, le cote ·educatif de la revue. Non, ce qu'on y a vu ce 'I 123 sont quelques opinions personnelles des collaborateurs, et beaucoup d'intentions que nous n'avions jamais eues. Notre but est l'art et non pas une tendance speciale d'art; tous nos collaboratours n'ont pas les memes opinions sur I'art, quelques uns sont extremistes, d'autres sont plus calmes; mais du moment que c'est de l'art, qu'est-ce que peuvent faire quelques divergences d'opinions, Nous ne nous proclamons pas impeccables, nos opinions personnelles peuvent etre discutables, et qu'on les discute si elles le meritent, mais qu'on ne traite pas de folie et d'imbecillite ce que l'on ne comprf'ud pas. Nous avons regu des lettres d'injures grossieres de personnes qui trouvent toute la revue mauvaise, les articles mal ecrits, les dessins incomprehensibles, etc., etc... Pourquoi cette haine et surtout cette mauvaise foi, Est-ce parce que nous essayons de nous occuper d'arU J'avoue n'y rien comprendre. Tant qu'une elite ne se sera pas formee autour des artistes, je crois qu'il est inutile de parler d'art dans notre pays, le public ne s'y interesse pas et ceux qui essaient d'en parler deviennent tout de suite des personnages inquietants et un peu ridicules. On nous a traites de demolisseurs!... demoli!!iseurs de quoi~ je me le demande. Nous cherchons plutot aformer une elite capable de s'interesser a l'art et aux artistes. Mais, aYec l 'accueil qui nous est fait, le but me parait encore bien loin. FERNAND PREFONTAINE. VENT SUR LA ROUTE. Paree que l'atmospbere tremble avec tant de jnie autour d'un penplier. . . pour une fumee qui grimpe d'un toit.. . parce qu'un re flet. .. II est du vent sur !'horizon, du vent qui tournoie le long des routes. pres des maisons. II e9t du vent qui ploie Jes calmes arbres tantot des routes, qui gire en courant, du venit qui vient, girant des arbres tranquilles avant. Deux maisons exl"ialent a )'horizon leurs fumees que courbe et met en loques le vent qui detale. Et des arbres sans avenir que leur contemplation de l'horizon et des deux maisons, se ploieront et se saisiront tantot du vent, comme des enfants un gros ballon. Mais le vent, le vent rond comme un ba}Ion, se degage des arbres en haut de la cote, alignes comme un collegien qui ne sut pas sa lei;on. I1 tourne autour, Jes bat comme un •tambour et s'en va comme un fou, Dieu sait ot't. A !'horizon ii se secoue d'autres arbres, d'autres maisons par le vent, et ,1es arbres sur la cote melancolique recommencent leur ennui d'avant. R. LaROQUE DE ROQUEBRUNE. 125 AMBIANCE. 11 est un mot agaQant qu'il faut harponner a mort. Quelqu'un de vos amis s 'applique-t-il a bien parler, vous ne tarderez pas a entendre dire de lui: "Il parle a la franQaise". Et cela signifie trop souvent: "Il pose". Mais enfin veut-on qu'il parle franQais "a la chinoise''1 Il est vrai, beaucoup qui lachent le mot visent surtout le "grasseyement". Pourquoi ne s'expriment-ils pas plus clairemenU Car si c'est la leu1· pensee, ils ont raison: le grasseyement est un defaut partout, en bas de Quebec aussi bien qu'a Paris... Non, ce qui distingue la langue franQaise, telle qu'on la parle dans les milieux cultives de Franee1 de celle que nous parlons ici, c'est l'articulation nette, la prononciation adoucie des consonnes, la juste valeur des voyelles et I 'emission correcte des nasales. Or, ces qualites-la ( qualites de nuance plutot que de fond) un canadien les acquiertsans effort presque malgre lui, apres quelques mois de sejoUJ' dans une ville frab.Qaise. Pourquoi ne les a-t-il pas en naissanU Est-ct> a cause de ces eternels rhumes de cerveau qui font que les americains "speak through their nose", ou bien en ycrtu de nos grands froids qui nous geleut les levres pendant six mois de l 'annee ~ Ni l'un ni l 'antre. La grande coupable, c'est I 'ambiance. Nous parlerons imparfaitement le fran~ai:--, aussi longtemps qu'on le parlera imparfaitement autour de nous. C'est un cercle vicieux; je vous defie d 'en sortir. II Et maintenant, qui stigmatisera I'ambiance de la laideuri Quand on cherche pourquoi Montreal reste laid, on ne trouve pas d 'autre reponse que celle-ci: c'est parce qu'ii est laid... ..A. force de vivre parmi les poteaux du telegraphe, les cubes de brique ou de pierre, les escaliers tourmentes et perilleux, on finit par ne rien concevoir de mieux. Mais nous voyagions avant la guerre! Nous avons visite Paris et peut-etre d'autres belles villes. . Oui, mais en visitant, ii semble que nous ri'ayons rien vu que le laid, pour nous consoler de nos laideurs. Nous le predisons: un jour, un syndicat, compose d 'hommes qui ont fait le tour du monde, dotera notre cite d'un reseau de tramways eleves, en pleine rue, ala hauteur du premier etage des habitations. Il y en a bien a Boston et a New-York. Ce jour-la, nous n 'aurons qu'a attendre la mort. L 'ambiance aura commis son dernier me fait. OLIVIER MAURAULT. 127 LE PUBLIC DES CONCERTS. Je sais que l'on ne peut pas trouver ici ce que I'on a convenud 'appeler en Europe un public, mais je veux appeler ainsi les gens qui vont voir un virtuose et ceux qui vont entendre un artiste. Ils sont nombreux ,ceux qui vont voir un virtuose repute et ils sont bien peu nombreux ceux qui vont entendre un artiste qui se preoccupe de l'art. Et ccpendant je veux croirc ce public plein de bonne volonte. Mais il n'a aucune education serieuse, il ne manifeste aucune curiosite ni le besoin de s 'instruire, et personne ne s'emeut de cette inquietante situation, les musiciens pas plus que les autres. Les musiciens, d'ailleurs, ne sont pas seuls respon.sables de cette ignorance satisfaite et peu tranquille. Cc serait manquer de gcncrosite que de les ac,cuser sans reserve. Il faut considerer qu'ayant du travailler sans encouragement et sans aide de l"etat et des conseils municipaux, la tache etait difficile d'instruirc le public, elle etait ingrate et meme impossible._ . 11 est triste d'avouer que l 'Etat et les conseils municipaux n'ont encore aucun reel souci de l'en-seignement de la musique dans la province. Tan.dis que d'autres pays encouragent directement le cleveloppement des arts, le Canada continue a se desinteresser des elements essentiels de notre existence intellectuelle. Le peu qui a deja ete fait dans ce sens est presque compromis par cette apathie naturelle qui etouffe toute tentative. Les gens qui forment ce qu'on appelle le meilleur public ne sont pas alourdis par l'enseignement officiel des conservatoires. Nous ne devons done pas craindre leur analyse dogmatique et leur primarisme. C'est apeine si les musiciens nous apportent ces navrants systemes d'interpretation. Dans ce domaine ils sont aussi ignorants que le public. Le dogmatisme du conservatoire est certes un mal, mais ici, on peut regretter que ce mal ne soit pas. Oct enseignement systematique serait bon aproYoquer des reactions heureuses et des personnalites. L 'enseignement individuel et le concert sont done ici les principaux moyens de I'education musicale. Nous connaissons la valeur de ceux qui se chargent de 1'enseignement, et nous savons aussi que l'eleve canadien, en general, n'est pas un travailleur. La paresse est a la base de son ignorance. La plupart des concerts sont entre les mains d'entrcpreneurs qui tiennent pen afaire autre chose que du commerce. Entre leurs mains, Jes concerts au Windsor, au Ritz et au Majesty, deviennent des demonstrations financieres OU la societe, recouverte de pierreries, est heureuse de se produire. Ces entrepreneurs promenent ainsi dans la ville, sur les diverses estrades, les plus habiles manieurs d'archet, les "pigeons voyageurs" du cla 129 vier, les plus reputes placiers du virtuosisme en soi. Il leur arrivera bien d'offrir par accident un merveilleux artiste, un bon orchestre et de bons programmes, mais c'est un evenement rare que l'on n'arrive pas agouter dans sa plenitude, acause de notre engourdissement dans la mediocrite coutumiere. Ainsi, le public est seulement amene a comparer les jongleurs entre eux et a decider arbitrairement de la superiorite de tel ou tel acrobate SUI' tel autre, apres s'etre impose pour la millieme fois I'audition des insanes productions des virtuoses compositeurs. Ces "troubadours" d'estrade tiennent a afficher dans la composition de leurs programmes, qu'ils sont capables d 'affronter toutes les ccriturcs et qu'ils sont egalement capables d 'incomprehension. Lcurs programmes, en tout cas, sont peu faits pour renseigner le public sur la production musicale. Et en ecoutant toujours les memes fracas de fioritures, les memes langoureuses effusions des virtuoses agrand spectacle, le public est empeche de comprendre les diverses faces de cet immense tableau qu'est la production europeenne. Les noms de Bach, Liszt, Brahms, Wagner, Chopin s'affichent dans ces programmes mais le public a ete habitue an'y voir que le bruyant pretexte aquelques declanchements de gosier ou d'avant-bras. Dirige en cela par les journalistes de Ia musique, le public ne s'est jamais inquiete de savoir ce qu'il peut y avoir derriere une reputation de joueur de piano ou de violon. II lui suffit d'etre fascine par ce qui est exterieur a l'art et par le physique de I'artiste. Le public se rend au concert, mais la musique est le moindre pretexte atous ces derangements, et c'est I'artiste, toujours aussi celebre que possible, qui en est I'unique attraction. La musique et sa signification superieure, cela reste une langue incomprise, une langue etrangere. L'opera, un certain genre d 'opera inferieur, l 'operette et la virtuosite absorbent toute !'attention de ce public et suffisent ases besoins. Dans une oeuvre il lui faut un air facile achantonner: c'est un criterium de bonne composition et de beaute. Dans une tres grande mesure, les journalistes de la musique sont les causes de cette ignorance. Ce sont eux qui ont la tache de renseigner le public sur la musique et les musiciens, et nous savons ce qu'ils servent. 11s n 'ont cure que ·de refleter le mauvais gout et le parti pris de la mondaine societe, quand ils ne se confinent pas dans le compterendu. (Je veux cepcndant exclure de cette critique les efforts malheureusement infructueux de quelques musiciens.) On raconte un concert comme on raconte une joute de hockey ou un fait mondain. On ne se soucie pas de la vraie signification de ln. musique, on ne la recherche jamais. Les racontars de ces journalistes de la musique sont nefastes. Ce n'est pas seulement du tra-. -· vail qui se confine dans l'immobilite, mais c'est le point de depart d'une decourageante culture. Ce sont les critiques qui devraient rappeler aux virtuoses et aux entrepreneurs de concerts, qu'un recita1 ne doit pas etre uniquement une exhibition de virtuosite, et que la virtuosite, presentement, n 'interesse plus en Europe que les impuissants et les petites filles. Ils rendraiant done de grands 131 services ala cause de l'art, en invitant les virtuoses a etre tout simplement des artistes et a faire oeuvre d'art. On verrait ainsi moins d'acrobates-bi·iller dans cette grande inutilite qu'es\ le virtuosisme, et on encouragerait les artistes qul veulent se vouer aune propagande artistique. II ya cependant ici une jeune generation d'auditeurs qui peut offrir de grandes possibilites. Mais elle est trop peu et trop mal dirigee pour offrir un serieux contrepoids ala bourgeoisie stable et elegante des mondains de l'art. Une forte direction s'impose, une direction qui empechera que l'on se confine dans les "grands chants" et dans les transcendantes qualites des virtuoses. Une telk direction amenerait ici IJ.On seulement de veritablcs artistes, mais de I'art veritable. J e veux esperer que les journalistes de la musique renonceront a leur culte pour I'ignorance et aleur parti-pris, afin de mieux servir le public J r veux aussi esperer que le public sortira de I'amusement auquel il a ete habitue, et qu'il se decidera achercher la signification de l'art. Je m'estimerai heureux si mes efforts inciteut a la curiosite quelques auditeurs et si j 'arrive A leur inspirer le desir de s'enquerir d 'oeuvres et d'artistes qu'on lcs a contraints d'ignorer. LEO-POL MORIN. DIALOGUE DES BETES MUSIQUE Pauline:-(lisant) ... le rendement qu'a su nous "donner monsieur Paul Mignault de la troi"sieme sonate de Chopin, a gagne l'auditoire "select qui n 'a pas menage anotre talentueux ''compatriote ses applaudissements chaleu"reux." Comme c'est c;a!. .. Vous y etiez au concert~ Bertha:-Non, je ne vais jamais a ces choses... vous savez quand on est demeure .a Paris deux mois... les concerts de Montreal ne peuvent pas nous interesser. Sagacee:-Nous avons pourtant ici de bons artistes. Bertha:-Arpres avoir entendu jouer Chopin luimeme, vous comprenez qu'il me faut un grand artiste pour me faire aller a un concert. Messalinette:-Monsieur Mignault est si bel horn-me! Sagacee:-Qu'importe la beaute, c'est le talent qui. compte. 133 Pauline:-Il n'a pas joue de musique modern,•, c'est un vrai musicien: il est serieux. Polyeuctete:-La musique moderne n'existe pas, le temps des grands musiciens est, helas, pas,. se. Sagacee :-Il y a Puccini pourtant; il est tres difficile acomprendre, mais une fois qu'on l'aime c'est d'une beaute grave et forte. Lucrece:-~Ioi, ce que j 'aime, c'est le chant: Hier soir j 'ai entendu, dans le phonographe, chanter Vaguet dans l'"Adieu d'une a.me". J'en ai pleure, Ies paroles sont si vraies! Sagacee :-Vaguet est un grand artiste. Mais pour la musique, il n 'y a que les italiens. Pauline:-Ils sont si artistes, les italiensl PAUL BRUNOT. LES REVUES :-Le "Mercure de France" commence la publication d'un roman de Francis Carco: "Fernande". Qui conque a Ju "Jesus.,la-Caille" publie egalement par le ".Mer cure", se souvient du personnage de Fernande. Et qui conque a lu ce roman de Carco sait quel curieux ecrivain s'est revele alors pour un public completement oppose au public coutumier des romanciers pluvieux tels que Mon sieur Bazin et Monsieur Bordeaux. Francis Carco est un psychologue, quoique ses personnages soient moins hup pes que !es belles dindes et ies altieres grues tant fouillees par le "scalpel" de Paul Bourget. La psychologie n'est d'ailleurs plus monopolisee par les ames confortables et rentees, depuis qu'Octave Mirbeau a ecrit le rcman du chien Dingo, depuis les histoir,es de betes de Colette Willy et de Louis Pergaud, depuis les histoires de gosses de Pergaud et d'Alfred Machard, depuis qu'Eugene Montfort a ecrit "La Turque" et Francis Carco, le roman de l'inquietant Jesus-La-Caille. Mais que Paul Bourget est demode et que le Bordeaux des families est stupide et suintant d'ennui acote de ces belles oeuvres pleines de vie, de realite et d'imagination ! "La Revue de Paris" offre ason public une traduction d'un roman de !'excellent ecrivain anglais Joseph Conrad. 135 et un article de Francis de Miomandre sur Conrad. <;'.est une initiative heureuse de faire connaitre !es litterat11res etrangefles en un temps OU les idees etroitement natio~-~les subjuguent ·Jes meitleurs esprits. II faut aerer plus qu~ jamais les intelligences, et tacher a elargir !es idees g~~erales. C'est aider !'elite a s'universaliser que la mettre au courant des litteratures etrangeres. L'avenir modelera de plus en plus Jes esprits selon l'univers, et Jes luttes de rc}~es paraitron,t de plus ,en plus stupides et deviendront de plus en plus odieuses a mesure que Jes peuples se penetreront davantage entre eux. De beaux poemes d'Henriet.te Charasson ornent fa "Grande Revue"; poemes pleins de douleur contenue, pleins de Iarmes secretes et de eris retenus. Un noble amour de la France, exprime clans une langue ex.tremement harmonieuse. Paul Fort,· Guillaume Apollinake et Henriette Charasson qui sont trois poetes essentiellement differents par le style et par Jes .tendances ont. dernierement, chante !'amour de la patr,ie avec un accent commun de virilite. Tant de journalistes ont ressasse Jes plus perimes lie~x communs de 1la sentimentalite patriotique depuis 1914, qu'1l se devait que les poetes rehabilitent une inspiration galvaudee. -R. R. R. BOLO LITTERAIRE :-L'affaire Bolo preoccupe telle-ment tous Jes espr.its en France, que memes Jes revues exclusivement litteraires en sont touchees. C'est ainsi q1,1e "Le Mercure de France" et que "La Grande Revue" sont amenees a publier sur Bolo pacha. chacune, un artiole. Dan~ le "Mercure", Georges Ba.1:'ault montre "le traitre" rapetis,se derriere les fortes silhouettes de ses deux defenseurs, Mtre. Salle et Mgr. Bolo. Georges Batault ecrit -la caracteristique personnalite qu'est egalement l'accusateur offi-ciet, le lieutenant Morne1:'. II y a •la d-es souvenirs d'audiences qui reunissent une forte impression psychologique. Le comparse que fut cet homme pale et jaune, Porchere, est montre par Georges Batault avec une precision peu sentimentale et clairement realiste. Dans la "Grande Revue" Leon Werth disserte de !'argent a propos des millions dont ·joua Bolo. Leon Werth est bon a suivre parce qu'il est un homme soumis au temps present, peu embarrasse de clas:.-.icisme. II semble que le grand Remy de Gourmont ait deja une certaine influence Sur !es esprits refractair{!S au ~entimentali'Sme de l'epoque actue!Je. Gourmont eut un Ubalterne. Son art est un art musical, trcs voluptueux, tres physique. mais lrres sain, tres humam. En quelques pages, par !es moyens les plus simples, ii condense: le max mum d'expres:;;ion. Cette musique, instincti\'e, mc:is ordonnee par une intelligence et un goitt parfaits, oheit a la vie et sert la beaute. Elle n'a d'autre finalite q 11e la , ie e.t la beaute pour elles-memes. L'influence de Debussy a deja ete grande sur s,es con temporains. Elle sera encore forte et longue. Nul ne peut ignorer Debussy. En Europe, ii n'est plus discute, ii 1;st un classique. II n'est possible qu'au Canada de discuter , sur la valeur, ou !'existence des oeuvres de Debussy. De nombreux journalistes ont deja trouve dans la mort de Debussy, un pretexte a des lamentations sentimentales. ·Ona servi des notes de dictionnaire et d'encyclopedie. Mon'sieur Fred. Pelletier s'est livre a des comparaisons douteuses. II •Jui faut le recul des annees et une longue consecration officielle, pour qu'i.J ose admettre l'idee de genie. II fait de Debussy un chef d'ecole, avec des eleves, Jui qui n'en eut aucun. II ajoute que Debussy n'aurait pas existe sans Wagner, et Wagner sans Gluck. Quelle force, ii oublie Liszt! II va plus loin. II fait une lamentable incursion clans la vie privee de Debussy, comme si la vie privee d'un artiste avait a faire avec son oeuvre. II lui reproche. apres sa mort, ses mariages. Que! absolu mauvais gout 1 II veut que Debussy n'ait produit que des piecettes depuis Pelleas, ,et cela a cause de son second mariag.e. M. Pelletier a le droit de penser ainsi, mais qu'il prouve quelque chose. II a egalement le droit de n'etre pas fixe sur les "Trois chansons" sur des paroles de Charles d'Orleans, sur sur Jes nombreuses pieces pour piano, pour chant, sur les "Images" pour orehestre, sur "Ibena. " sur "La Mer", sur "Les Jeuoc", sur Jes "Six Sonates" pour divers instruments, sur "Le Martyre de Saint Sebastien", sur tout ce qui a sui . vi Pelleas. Et on ne connait pas encore ·l'"Histoire de Tristan" la "Chute de la Maison Usher" et "Le Diable ·dans le Beffroi". Gluck possedait son genie au moment 0{1 .,il ecrivait ses drames. Et Wagner de meme, et des avec "Lohengrin" et "Tanhauser". Debussy avait deja du genie quand it a ecrit son "Quatuor a cordes" et "Pelleas", avant 1900. La consecration officielle du temps et des academies ne fait rien a faffaire. II y a des verites qui s'imposent et qu.'il n'est pas impossible de voir a leur moment. -L.-P. M. LA MANIE DE LA COMPARAISON :-C'est une